Femmes, artisans, savants, domestiques, aventuriers ou philosophes : c'est une nouvelle "société du voyage" qui arpente au XVIII^e siècle les routes de l'Europe, à pied, en voiture ou à la voile, des Highlands à l'Italie en passant par les Alpes ou les îles méditerranéennes. L'Europe des Lumières n'a pas seulement exploré les confins du monde : elle est aussi partie à la découverte d'elle-même, se soumettant à de salutaires autocritiques. Les Européens expérimentent alors d'autres manières de voyager, revendiquant une intimité avec l'espace naturel, les territoires proches, les savoirs et les savoir-faire locaux.

Confrontant les manuscrits inédits du bordelais François de Paule Latapie avec 254 autres écrits de voyageurs des Lumières, Gilles Montègre propose une autre approche historique du voyage, écrite au ras du sol et au fil du chemin.

À l'heure où le défi environnemental remet en question le modèle du tourisme de masse, ce livre est aussi une invitation à redonner du sens à nos manières de voyager.

Le Prix château de Versailles du livre d'Histoire 2024

Ce prix a pour objectif de soutenir et de mettre en lumière le dynamisme de la production éditoriale en matière de recherche historique. Pour cette septième édition, parmi les nombreux ouvrages envoyés par les maisons d'édition - essai, document, biographie, mémoires ou journal -, le comité de lecture avait sélectionné cinq titres finalistes :

• Le 14 juillet de Mirabeau. La revanche du prisonnier, Loris Chavanette, Éditions Tallandier
• Le Grand Condé. Un exil pour l'honneur, Xavier Le Person, Éditions Fayard
• Voyager en Europe au temps des Lumières. Les émotions de la liberté, Gilles Montègre, Éditions Tallandier
• Marie-Antoinette, Charles-Éloi Vial, Éditions Perrin
• Les Mousquetaires du roi. Une troupe d'élite au cœur du pouvoir, Julien Wilmart, Éditions Tallandier

Le jury

Présidé par Christophe Leribault, président de l’Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, le jury est composé de : Scarlett Beauvalet, professeure émérite d’histoire moderne, Yves Carlier, conservateur général du patrimoine au château de  Versailles et président du comité de lecture, Joël Cornette, historien, François de Mazières, maire de Versailles, Emmanuel de Waresquiel, historien, Olivier Magnan, blogueur Arts et Culture "Scribe accroupi", Christine Orban, romancière, Laurent Salomé, directeur du Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, et Marie-Karine Schaub, maîtresse de conférence HDR en Histoire moderne, Université Paris-Est Créteil.

Gilles Montègre

Agrégé d’histoire, Gilles Montègre est maître de conférences HDR au Laboratoire Universitaire Histoire Cultures Italie Europe (LUHCIE - UGA) à l’Université Grenoble Alpes. Spécialiste du XVIII^e siècle, ses recherches et enseignements portent sur l’histoire du voyage, des savoirs, des émotions et de la diplomatie, dans des espaces articulant l’Italie, l’Europe et le monde. Dans sa thèse publiée en 2011 par l’École française de Rome (La Rome des Français au temps des Lumières. Capitale de l’antique et carrefour de l’Europe), il étudie la ville de Rome comme un espace urbain où s’est joué au XVIII^e siècle la concurrence entre deux universalismes : celui de la catholicité et celui des Lumières. Après avoir découvert au château de Crolles les archives personnelles du cardinal de Bernis, il dirige plusieurs programmes de recherche interdisciplinaires visant à mettre en évidence la naissance de la diplomatie culturelle dans l’Europe moderne. 

La découverte des notes et journaux inédits du savant bordelais Latapie, qui forment l’une des plus riches archives de voyage du XVIII^e siècle, conduit Gilles Montègre à consacrer des recherches approfondies aux savoirs sur la nature, sur l’environnement, et à l’expérience émotionnelle des mobilités. Après avoir commencé à publier le journal de Latapie (Éphémérides romaines, Classiques Garnier, 2017), il consacre une plus vaste enquête à la pratique du voyage au XVIII^e siècle (Voyager en Europe au temps des Lumières. Les émotions de la liberté, Paris, Tallandier, 2024). À rebours de l’historiographie dominante relative au Grand Tour et à la naissance du tourisme, cette enquête vise à mettre en évidence un « voyage des Lumières », caractérisé par une approche inédite de la nature et des sociétés humaines, et par une « raison sensible » conduisant à repenser l’articulation entre le temps des Lumières et l’âge des révolutions.

Formé aux écritures alternatives en sciences sociales dans le cadre d’une délégation CNRS auprès du Centre Norbert Elias de Marseille, Gilles Montègre s’intéresse aux diverses formes de recherche-action, et recourt dans ses enseignements universitaires à des méthodes qui empruntent à la fois au design créatif et à la pratique théâtrale.