Les radiotélescopes ALMA et SMA révèlent la structure de 74 ceintures d'exocomètes en orbite autour d'étoiles proches

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le  17 janvier 2025
Une ceinture d'exocomète révélée avec ALMA et SMA
Une ceinture d'exocomète révélée avec ALMA et SMA
Une équipe de recherche, coordonnée par le Trinity College à Dublin et impliquant des scientifiques de l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG/OSUG – CNRS/UGA) et de l’Observatoire de Paris - PSL, a obtenu, pour la première fois, des images d’un grand nombre de ceintures d'exocomètes en orbite autour d'étoiles proches. Cette découverte importante a été publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics le 17 janvier 2025.
Les images (Fig. 1 et Fig. 2) montrent la lumière émise thermiquement par des poussières de la taille du millimètre, qui orbitent autour de 74 étoiles proches, formant ainsi des ceintures similaires à la ceinture de Kuiper autour de notre Soleil. Ces étoiles sont d'âges très variés, certaines viennent à peine de se former alors que d’autres forment des systèmes plus matures comme notre Soleil.

Galerie complète des 74 ceintures d'exocomètes révélées avec ALMA et SMA. Chaque image est centrée sur l’étoile autour de laquelle orbitent les poussières observées, mais celle-ci reste invisible aux longueurs d’ondes millimétriques utilisées pour ces observations.
 
Figure 1. Galerie complète des 74 ceintures d'exocomètes révélées avec ALMA et SMA. Chaque image est centrée sur l’étoile autour de laquelle orbitent les poussières observées, mais celle-ci reste invisible aux longueurs d’ondes millimétriques utilisées pour ces observations.

Zoom sur quelques systèmes, illustrant la diversité des structures observées.
Figure 2. Zoom sur quelques systèmes, illustrant la diversité des structures observées.

Ce programme d’observation appelé REASONS (pour « REsolved ALMA and SMA Observations of Nearby Stars », c’est-à-dire « observations résolues avec ALMA et SMA de systèmes stellaires proches », marque une étape importante dans l'étude des exocomètes, car ces images et ces analyses révèlent où se trouvent les poussières millimétriques, et donc les réservoirs d’exocomètes. Ils sont situés généralement à des dizaines ou des centaines d'unités astronomiques de leur étoile hôte (1 unité astronomique correspond à la distance entre la Terre et le Soleil).
 
Dans ces régions, il fait si froid (-250 à -150 degrés Celsius) que la plupart des molécules, y compris l'eau, sont gelées sous forme de glace à la surface des exocomètes. À travers ces observations, les astrophysiciens observent donc où se situent les réservoirs de glace des systèmes planétaires. REASONS est le premier sondage à dévoiler la structure de ces réservoirs pour un large échantillon de 74 systèmes exoplanétaires.
 
ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) est un réseau de 66 radiotélescopes situés dans le désert d'Atacama, dans le nord du Chili, tandis que SMA (SubMillimeter Array) est un réseau similaire de huit radiotélescopes situés à Hawaï. Tous deux observent le rayonnement électromagnétique aux longueurs d'onde millimétriques et submillimétriques. Cette étude a utilisé ces deux réseaux pour produire les images les plus détaillées à ce jour de ces populations d'exocomètes.
 
« Les exocomètes sont des blocs de roche et de glace d'au moins 1 km qui entrent en collision les uns avec les autres à l'intérieur de ces ceintures. Ces collisions produisent des débris plus petits et des poussières que nous pouvons observer avec les réseaux de télescopes ALMA et SMA. On trouve des ceintures d’exocomètes autour d’au moins 20 % des étoiles, y compris autour de notre propre Soleil », a indiqué Luca Matrà, professeur associé à l'école de physique de Trinity College Dublin.
 
« Dans la ceinture de Kuiper de notre Système solaire, les collisions entre comètes sont peu fréquentes et donc les poussières bien moins nombreuses que dans les 76 ceintures révélées dans cette étude » indique Dr Julien Milli, astronome adjoint UGA à l’IPAG de Grenoble et co-auteur de l’étude. Par ailleurs notre ceinture de Kuiper est peu étendue alors les images de l’étude révèlent davantage de diversité dans la structure des ceintures, avec la majorité d'entre elles sous forme d’un anneau bien plus large. Certains systèmes présentent même plusieurs anneaux, parfois excentriques, ce qui trahit la présence de planètes encore indétectables à ce jour qui influenceraient par leur gravité la distribution des poussières.
 
« Grâce aux nombreuses observations obtenues avec ALMA et SMA, deux puissants radiotélescopes, nous commençons à percer le secret de la formation des exocomètes, en relevant des différences notables selon les étoiles, plus ou moins lumineuses, autour desquelles elles se forgent. Remonter au plus près des mécanismes de formation de ces objets, observés pour la première fois dans les années 1980, n’était tout simplement pas possible jusqu'à présent ! », souligne Quentin Kral, astronome de l’Observatoire de Paris - PSL.
 
« La force d'une étude de grande envergure comme REASONS réside dans la découverte de propriétés statistiques et de tendances globales à l'échelle de la population de ceintures d’exocomètes », explique le professeur Matrà.
 
« Par exemple, elle a confirmé que la quantité de poussières diminue avec l’âge des systèmes planétaires car les réservoirs d’exocomètes se vident peu à peu en raison des collisions destructives entre exocomètes. Mais elle a montré pour la première fois que cette diminution est plus rapide si la ceinture est plus proche de l'étoile hôte. L'étude a également montré indirectement, grâce à la mesure de l'épaisseur de ces ceintures, que des objets encore inobservables d'une taille allant de 140 km à la taille de la Lune sont probablement présents dans ces ceintures. »
 
Dr David Wilner, astrophysicien au Centre d'astrophysique de Harvard et à l'Institut Smithsonian, a souligné : « Des réseaux comme ALMA et SMA utilisés dans ces travaux sont des outils extraordinaires qui continuent à nous donner de nouvelles perspectives sur l'univers et son fonctionnement. L'étude REASONS a nécessité un effort important de la part de la communauté et a une valeur patrimoniale, ouvrant de nouvelles voies pour de futures recherches. Par exemple, l'ensemble des données REASONS permettra d'étudier comment naissent ces systèmes à partir des disques protoplanétaires, l’étape précédente dans l’évolution des systèmes qui ne dure que quelques millions d’années. Maintenant que ces ceintures ont été découvertes, des observations complémentaires pour les caractériser dans d’autres longueurs d'onde deviennent envisageable, par exemple avec le télescope spatial infra-rouge JWST, ou avec la prochaine génération de très grands télescopes (ELT) dans le domaine optique, et nous pourrons obtenir des images encore plus détaillées de certaines ceintures d’exocomètes grâce au large programme d'ALMA appelé ARKS en cours d’exécution. »
Publié le  17 janvier 2025
Mis à jour le  30 janvier 2025