Mettre des bulles en cage pour développer des microscopes haute résolution
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le 12 décembre 2024
Les bulles sont omniprésentes dans de nombreuses applications de recherche, allant de l'imagerie par ultrasons à la compréhension des éruptions volcaniques. Elles sont également d'excellents résonateurs acoustiques, dont la taille est très petite devant la longueur d'onde du son qu'elles émettent. Ces ondes sonores émises à résonance contiennent des informations sur les propriétés mécaniques des matériaux situés au voisinage immédiat de la bulle. Dans une récente publication dans Nature Communications, les équipes Optima et Move du Laboratoire interdisciplinaire de physique (LIPhy – CNRS/UGA) propose d'exploiter ce phénomène pour imager un échantillon en déplaçant une bulle au voisinage de cet échantillon.
Cette approche est directement inspirée de la technique de microscopie optique de champ proche à balayage, qui repose quant à elle sur l'utilisation d'un résonateur optique sub-longueur d'onde (une nanoparticule d'or par exemple). Dans le cas de cette récente étude, la bulle joue le rôle de la nanoparticule en optique. L'intérêt principal de ces approches d'imagerie de champ proche est de permettre une imagerie bien mieux résolue que ne le serait l'imagerie classique, dont la résolution est limitée par la longueur d'onde. En effet, la résolution en champ proche est donnée par la taille de l'objet résonnant plutôt que par la longueur d'onde.
L'approche de microscopie acoustique de champ proche a déjà été proposée avant les travaux du LIPhy, il y a plusieurs dizaines d'années, mais seulement avec des technologies relativement coûteuses dérivées des microscopies à balayage à pointes.
Avec cette nouvelle approche, brevetée par le LIPhy, les équipes espèrent pouvoir développer des microscopes avec des performances équivalentes aux dispositifs commerciaux, mais avec une technologie beaucoup plus simple et un coût réduit à quelques dizaines de milliers d'euros, grâce à l'utilisation d'une pointe constituée d'une simple bulle d'air piégée dans une cage.
Mais comment peut-on mettre en œuvre une telle approche quand il semble intuitivement impossible de manipuler une bulle d'air dans l'eau ?
Dans cette nouvelle étude, le problème est résolu en utilisant une bulle d'air piégée dans une cage cubique réalisée par impression 3D. C’est un système qui avait déjà été développé lors de précédents travaux de recherche au laboratoire et qui s'avère se comporter presque exactement comme une bulle libre. En balayant la bulle en cage à proximité d'échantillons structurés, les scientifiques ont alors réussi à reconstruire des images à partir du son de la bulle en résonance, avec une résolution inférieure de deux ordres de grandeur à la longueur d'onde acoustique.Image 1. Vue d'artiste de la technique proposée. Une bulle d'air piégée dans une cage cubique immergée peut-être balayée au-dessus d'un échantillon (ici un motif de Tour Eiffel gravé dans une plaque d'acier). Le son émis par la bulle consécutivement à une excitation acoustique à résonance est détecté par l'hydrophone (en noir) qui sert aussi de support à la cage. Crédit : Bruno Peccoud.
Ce travail est une collaboration entre deux équipes du LIPhy, l'équipe OPTIMA spécialiste des méthodes d'imageries optique et acoustique et l'équipe MOVE qui a inventé le concept de bulle en cage.Image 2. Exemple d'image obtenue en balayant une bulle au-dessus d'un échantillon constitué des lettres SNAM gravées dans une plaque d'acier. Les lettres SNM sont remplies d'eau, alors que la lettre A est remplie d'air. L'épaisseur des lettres est de l'ordre de 0.5 cm, et la longueur d'onde acoustique est de l'ordre de 75 cm, illustrant le caractère super-résolue de la méthode d'imagerie proposée, performance obtenue grâce à la mesure en champ proche. Le paramètre représenté en couleur représente la fréquence de résonance de la bulle, ici de l'ordre de 2kHz.
À ce stade, une preuve de principe avec des bulles de tailles millimétriques a été réalisé, et des fréquences de résonance de l'ordre du kHz. Les équipes travaillent à présent sur une miniaturisation des bulles en cages pour atteindre des tailles micrométriques correspondant à des résonances dans le domaine MHz, qui est notamment le domaine de l'acoustique biomédicale.
Vers des microscopes acoustiques à haute résolution peu coûteux
En termes d'applications, cette approche permet d'envisager le développement de microscopes acoustiques à haute-résolution (µm) avec des fréquences de l'ordre du MHz. S'il existe déjà des microscopes commerciaux avec une résolution de l'ordre du micromètre, ils reposent cependant sur des fréquences de l'ordre du GHz, en régime limité par la diffraction, et nécessitent des technologies (électroniques, sondes ultrasonores) complexes conduisant à des dispositifs extrêmement coûteux (de l'ordre du million d'euros).L'approche de microscopie acoustique de champ proche a déjà été proposée avant les travaux du LIPhy, il y a plusieurs dizaines d'années, mais seulement avec des technologies relativement coûteuses dérivées des microscopies à balayage à pointes.
Avec cette nouvelle approche, brevetée par le LIPhy, les équipes espèrent pouvoir développer des microscopes avec des performances équivalentes aux dispositifs commerciaux, mais avec une technologie beaucoup plus simple et un coût réduit à quelques dizaines de milliers d'euros, grâce à l'utilisation d'une pointe constituée d'une simple bulle d'air piégée dans une cage.
Publié le 12 décembre 2024
Mis à jour le 12 décembre 2024
Mis à jour le 12 décembre 2024
Référence
Near-field acoustic imaging with a caged bubble
Dorian Bouchet, Olivier Stephan, Benjamin Dollet, Philippe Marmottant & Emmanuel Bossy
Nature Communications, 27 november 2024
Dorian Bouchet, Olivier Stephan, Benjamin Dollet, Philippe Marmottant & Emmanuel Bossy
Nature Communications, 27 november 2024