Une molécule de type « pseudo-prion » protège le cerveau de la maladie d’Alzheimer chez la souris

Recherche
le  18 juin 2024
Une équipe, impliquant des scientifiques du Grenoble institut des neurosciences (GIN - CEA/CHUGA/Inserm/UGA) et du Laboratoire des maladies neurodégénératives (CNRS/CEA/Université Paris-Saclay), a découvert que l’injection d’une protéine modifiée de type « pseudo-prion » dans le cerveau d’une souris a pour effet de protéger l’animal contre la maladie d’Alzheimer, une pathologie qui touche près d’un million de personnes en France.
Cette maladie neurodégénérative trouve son origine dans des lésions causées par l’accumulation anormale de deux protéines, amyloïde-β et Tau, dans le cerveau. Ces lésions altèrent les neurones et leurs synapses, entraînant à terme l’incapacité de créer de nouveaux souvenirs.
Pour tenter d’enrayer ces processus, les scientifiques ont injecté pour la première fois dans le cerveau de souris modèle de la maladie une protéine amyloïde-β mutée (mutation islandaise). Cette protéine appelée amyloïde-βice, très rare, a été découverte chez certaines personnes originaires d’Islande qui présentent un vieillissement cognitif amélioré et ne développent jamais de maladie d'Alzheimer.

Visualisation d’un cerveau avec un filament amyloïde-β, en bleu la position de la mutation islandaise protégeant de la maladie d’Alzheimer. Crédits : Luc Bousset, Marc Dhenain
Visualisation d’un cerveau avec un filament amyloïde-β, en bleu la position de la mutation islandaise protégeant de la maladie d’Alzheimer. Crédits : Luc Bousset, Marc Dhenain
Les résultats sont surprenants : retour des synapses à leur état normal et absence des pertes de mémoire caractéristiques de la maladie. L’administration de cette protéine modifiée[1] protège ainsi le cerveau des souris étudiées de l’ensemble des dysfonctionnements liés à la maladie. Plus encore, les scientifiques ont montré qu’une seule administration est nécessaire pour enclencher cette protection qui agit pendant plusieurs mois.

Auparavant, la communauté scientifique s’accordait sur l’hypothèse que l'administration de protéines amyloïde-β ne pouvaient qu’amplifier la pathologie, car elles se comportent comme des protéines « pseudo-prion »[2]. Cette étude, parue le 14 juin 2024 dans la revue Molecular Psychiatry, montre pour la première fois, chez la souris, que des protéines amyloïde-β « pseudo-prion » peuvent protéger le cerveau des atteintes caractéristiques de la maladie d'Alzheimer. Ce résultat pourrait ainsi être le point de départ d’une nouvelle catégorie de thérapies préventives pour traiter les personnes atteintes de maladies neurodégénératives à des stades précoces et bloquer l’évolution de la pathologie, grâce à l’injection de prions protecteurs.

La thérapie par les pseudo-prions Aβice réduit les lésions toxiques de la maladie d'Alzheimer
La thérapie par les pseudo-prions Aβice réduit les lésions toxiques de la maladie d'Alzheimer, protège les cellules du cerveau de la maladie et permet de protéger la mémoire. © Marc Dhenain / CNRS
1. Les protéines administrées ont été recréées artificiellement en laboratoire.
2. Les protéines prions anormales sont en général responsables de maladies neurodégénératives graves telles que la maladie de la vache folle ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Leur forme normale est naturellement présente notre cerveau. Lorsqu’une protéine prion change de forme, elle devient anormale et les autres protéines alentours adoptent la même forme anormale, ce qui amplifie donc les processus en cours. La protéine amyloïde-β peut aussi avoir ce comportement, et est donc considérée comme un « pseudo-prion ».
Publié le  18 juin 2024
Mis à jour le  19 juin 2024