The Conversation : "Comment rendre les robots plus adaptables aux besoins de leurs collaborateurs humains ?"

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le  7 janvier 2025
L’intelligence artificielle pourrait rendre les robots plus adaptables… voire peut-être un jour capables d’improviser ? studiostoks, shutterstock
L’intelligence artificielle pourrait rendre les robots plus adaptables… voire peut-être un jour capables d’improviser ? studiostoks, shutterstock
Certains robots sont très impressionnants, mais pour l’instant ils sont un peu… bêtas. L’intelligence artificielle pourrait permettre de les rendre plus adaptables, et plus adaptés à nos besoins.

Les robots impressionnants de Boston Dynamics, capables de sauter, danser ou ouvrir des portes semblent tout droit sortis d’un film de science-fiction.

Pourtant, derrière leurs prouesses physiques se cache une réalité plus nuancée : bien qu’agiles, ces robots restent étonnamment limités en termes d’intelligence. Ils exécutent des tâches préprogrammées, mais peinent encore à réagir de manière autonome face à un environnement changeant.

Un enjeu actuel majeur de la robotique est d’intégrer à ces machines des systèmes d’intelligence artificielle, pour qu’elles deviennent capables de s’adapter et de prendre des décisions, les transformant en véritables assistants polyvalents des humains.

Mais… pourquoi fabriquer des robots intelligents ?

L’enjeu est de concevoir des robots intelligents qui interprètent les messages de l’environnement efficacement pour s’adapter à la vie réelle, remplie d’incertitudes (comme des trottoirs, des imperfections dans le sol) et de variations (comme la météo, une gare en forte ou faible affluence…).

Dans l’industrie, les robots sont particulièrement nombreux comparativement à d’autres secteurs, mais ils sont loin d’être adaptés à des environnements changeants, parce qu’ils sont limités par leurs capacités perceptives et par leur capacité à produire de nouveaux comportements pour répondre à des situations imprévues.

Nous pensons qu’il serait intéressant de concevoir une collaboration humain-robot basée sur la compréhension des capacités humaines — que le robot viendrait compléter.

L’industrie du futur appelle des robots collaboratifs

En déclarant le passage à une industrie 5.0, la Commission européenne a pour but d’améliorer la productivité des industries et le bien-être au travail des opérateurs. C’est pour cela qu’elle propose l’utilisation de robots collaboratifs (aussi appelés « cobots ») pour assister l’humain dans son travail.

En effet, si l’on note un nombre croissant de robots implantés dans industrie. En effet, il y a une croissance d’implantation des robots de 5 % tous les ans. Cependant, ceux-ci peuvent avoir des impacts négatifs sur l’humain au travail lorsque le développement technologique a poussé à l’innovation en ignorant les besoins réels issus du poste de travail. Pour illustrer, une étude a montré que des experts à leur tâche développent de la frustration et ont du mal à accepter une technologie qui les « aide » quand celle-ci n’est pas adaptée à leur besoin.

Il semble aujourd’hui essentiel de centrer la conception des cobots sur les besoins et contraintes réels des humains qui vont devoir collaborer avec les robots sur leur poste de travail.

Ceci sous-entend de comprendre le travail « sans le cobot », puis de choisir avec les salariés les tâches où le cobot pourrait apporter de l’aide. L’adaptation des cobots aux besoins des humains au travail passe alors par deux voies. La première nécessite d’ajuster les capacités physiques du robot : ses gestes (trajectoire, vitesse) et les outils ajoutés (pinces, ventouses).

La seconde doit permettre au cobot d’entrer dans une boucle de raisonnement proche de celle de l’humain : cette boucle commence par la perception de l’environnement, puis l’information prélevée dans le monde réel est analysée par l’algorithme qui dirige le comportement du cobot.

C’est ici que les systèmes d’intelligence artificielle (IA) entrent en jeu.

Comment rendre les robots plus adaptables aux besoins de leurs collaborateurs humains ?

Au sein de l’équipe Marvin du Laboratoire d’Informatique de Grenoble, nous développons des techniques d’IA spécialement conçues pour prendre en compte l"environnement physique des robots et leur permettre de raisonner et de décider de manière autonome.

Ces algorithmes d’intelligence artificielle reposent sur la définition préalable des actions réalisables par le robot, des contraintes à respecter pour leur exécution, de l’état du monde perçu, ainsi que la cible à atteindre.

La principale difficulté réside dans le grand nombre des actions possibles, même pour les problèmes apparemment simples. Des capteurs sont utilisés afin d’obtenir des données sur l’environnement du cobot en temps réel. Avec des contraintes telles que « préserver l’initiative humaine » ou « éviter que l’humain s’expose à des matières dangereuses » guidant la prise de décision robotique, des algorithmes permettent au robot de recalculer en continu les « actions à réaliser » en tenant compte des évolutions du monde réel et en analysant leurs conséquences.

Les expériences que nous menons visent à analyser l’impact d’une collaboration cobotique (un cobot face à un humain) lors d’une tâche d’assemblage de type industriel (les participants ont un modèle et des pièces d’assemblage qu’ils doivent reproduire avec le cobot le plus vite possible).

Les résultats de nos expérimentations montrent que la collaboration humain-robot au travail peut être globalement bénéfique à l’humain et à sa performance. En effet, nous montrons que la charge de travail (physique et mentale) de l’humain reste stable lors de la réalisation de la tâche avec un robot collaboratif, alors que cela n’est pas le cas lorsqu’il réalise la tâche seul ou avec un autre humain. Fait intéressant, les participants, qu’ils aient déjà travaillé avec un cobot ou pas dans un autre contexte, ont une haute confiance dans le cobot et s’attendent à ce que la collaboration soit agréable.

Ce type de dispositif serait aussi un avantage pour l’entreprise. En effet, une collaboration humain-cobot amène à une tâche mieux réussie qu’une absence de collaboration ou d’une collaboration humain-humain, la fiabilité du travail et sa qualité est augmenté dans le cas d’une collaboration humain-cobot. Dans nos expérimentations, les opérateurs s’exposent aussi à moins de risques (ils touchent moins d’éléments qui sont présentés comme dangereux) lorsque le cobot s’adapte, grâce à l’IA, aux contraintes sécuritaires qu’impose la tâche.

En revanche, il y a un effet négatif constant à travers toutes nos expérimentations : l’augmentation du temps de réalisation de la tâche. En effet, les participants mettent toujours plus de temps à effectuer la tâche quand ils collaborent avec un cobot que quand ils collaborent avec un humain (ou quand ils ne collaborent pas).

Cet effet est un peu surprenant, et suggère de reposer des questions essentielles : le développement de la collaboration robotique pourrait-il supporter l’efficacité au travail ? Notre étude semble indiquer que ce ne serait peut-être pas le cas avec les cobots actuels, mais que ceux-ci favoriseraient la qualité du travail et le bien-être de l’humain.

En conclusion, il est primordial de concevoir des cobots dotés d’une IA qui prennent en compte les besoins et les contraintes des humains et qui raisonnent grâce aux données issues de l’observation réelle de ceux-ci. Ainsi, la conception de cobots passe avant tout par une collaboration étroite entre chercheurs en informatique, en robotique et en psychologie du travail-ergonomie dans l’objectif d’améliorer ensemble les conditions de vie au travail.

Le programme Investissement d’avenir ANR-15-IDEX-02 CDP BOOT et le projet PACBOT ont été soutenus par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Publié le  7 janvier 2025
Mis à jour le  28 janvier 2025