Découverte de « sauts » de CO2 atmosphériques durant les 500 000 dernières années dans les carottes de glace de l’Antarctique

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le  11 octobre 2024
Fragment d'une carotte de glace forée en Antarctique. Les bulles d'air piégées par les glaces polaires au cours du temps permettent de reconstituer les changements passés de la composition de notre atmosphère. © Xavier FAIN/IPEV/LGGE/CNRS Images.
Fragment d'une carotte de glace forée en Antarctique. Les bulles d'air piégées par les glaces polaires au cours du temps permettent de reconstituer les changements passés de la composition de notre atmosphère. © Xavier FAIN/IPEV/LGGE/CNRS Images.
Une nouvelle étude, soutenue par le programme Make Our Planet Great Again dans le cadre du projet HOTCLIM, et menée par une équipe scientifique internationale conduite par l'Institut des géosciences et de l’environnement de Grenoble (IGE - CNRS/INRAE/IRD/UGA - Grenoble INP-UGA) associé au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE - CEA/CNRS/UVSQ), à l’Université New South Wales, et à l’Université de Bern, a mis en lumière de nouvelles variations rapides, au sein des fluctuations globales, des concentrations de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère au cours des 500 000 dernières années. Ces phénomènes sont appelés « sauts de CO2 » et sont des événements majeurs, même si leur vitesse d’augmentation demeure 10 fois inférieur au taux d’augmentation actuel des concentrations de CO2 générées par les activités humaines. L’article a été publié dans la revue Nature Géoscience ce vendredi 11 octobre 2024.
Ces « sauts » de CO2, correspondant à des augmentations d’une dizaine de ppm des concentrations atmosphériques en CO2, c’est-à-dire le nombre de particules de C02 observées parmi les millions de particules d’air, sur une période de quelques dizaines à quelques centaines d’années, ont été enregistrés dans l’atmosphère ancien piégé dans les carottes de glace prélevées en Antarctique.

Il convient de rappeler que le taux d'augmentation actuelle de la concentration de CO2, environ 2.5 ppm/an, causé par les activités humaines est 10 fois supérieur à ces "sauts" qui sont de l'ordre de 10 ppm en quelques dizaines d'années.

Émilie Capron, co-auteur de l'étude, observe des bulles d'air piégées dans la glace de l'Antarctique. © Sepp Kipfstuhl, Alfred Wegener Institute.
Émilie Capron, co-auteur de l'étude, observe des bulles d'air piégées dans la glace de l'Antarctique.
© Sepp Kipfstuhl, Alfred Wegener Institute.
Les chercheurs ont mesuré à l’IGE un nouvel enregistrement à haute résolution de CO2 sur la carotte Antarctique EPICA Dome C, leur permettant d’identifier sept nouveaux sauts. En comparant leurs données avec des précédentes études, ils ont ainsi pu mettre en évidence que 18 des 22 sauts de CO2 enregistrés au cours des 500 000 dernières années se sont produits pendant des périodes où l'inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport au plan de son orbite autour du soleil, appelée obliquité, était élevée.

Gregory Teste, co-auteur de l'étude, découpe une carotte de glace antarctique à la station Concordia, en Antarctique. © Gregory Teste, Institut des Géosciences de l'Environnement
Gregory Teste, co-auteur de l'étude, découpe une carotte de glace antarctique à la station Concordia, en Antarctique. © Gregory Teste, Institut des géosciences de l'environnement
S’appuyant sur de nouvelles simulations effectuées par un modèle de climat, les chercheurs ont démontré que dans un contexte de forte obliquité, les différents réservoirs de carbone terrestre, notamment la végétation continentale, sont particulièrement sensibles aux changements climatiques liés aux modifications majeures de la circulation océanique Atlantique. La perturbation de ces réservoirs de carbone déclenche des relargages massifs de carbone dans l’atmosphère, à l’origine de ces sauts de CO2.

Quel lien avec le réchauffement climatique actuel ?

La Terre se trouve actuellement dans une de ces périodes de haute obliquité. En cas de perturbation majeure de la circulation océanique Atlantique, notamment un ralentissement de l’AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation), une quantité de carbone équivalente à quatre années d’émissions anthropiques mondiales (au rythme des émissions moyennes de la période 2010-2019) pourrait être relarguée en l’espace de quelques dizaines d’années, se superposant ainsi aux émissions anthropiques actuelles. Néanmoins, il demeure actuellement une grande incertitude sur le devenir de l’AMOC en réponse au réchauffement climatique actuel. Dans le scénario d’un effondrement de l’AMOC consécutif aux modifications climatiques causées par les activités humaines, un relargage massif additionnel de carbone dans l’atmosphère provenant de sources naturelles viendrait s’ajouter aux émissions anthropiques.
Publié le  11 octobre 2024
Mis à jour le  11 octobre 2024